Richelieu1 Cardinal Archevêque d'Aix-en-Provence
Lieu RP : Brignoles
Feuille de personnage Nom et prénom: Ludovi de Sabran Paroisse: Brignoles
| Sujet: De l'amitié Mar 5 Avr 2011 - 23:35 | |
| - Citation :
Thématiques et Doctrines de la Sainte Eglise - De l'amitié
Il est une valeur, aujourd’hui, des plus galvaudée : l’amitié. Dans nos royaumes, on la met en exergue, on la brandit tel l’instrument de la foi en Dieu, tel le leitmotiv des duchés et des comtés, mais qu’en est-il réellement ? Sait-on seulement ce qu’implique réellement cette notion ? Est-ce seulement un terme que l’on prononce ou un principe que l’on se doit de respecter ? Après avoir tant et tant prêché, pratiqué l’amitié à chaque moment, prôné l’amour aristotélicien aux fidèles et aux croyants, je crois maintenant qu’il est temps de partager quelques réflexions sur ce sujet.
Tout d’abord, il nous faut revenir à l’origine, la réponse donnée par Oane à La Question du Très Haut :
- Livre des vertus, Livre 1 : Le mythe Aristotélicien, Partie VI - La question a écrit:
- « Tu as certes fait Tes créatures se nourrissant les unes des autres. Il leur faut chasser et tuer pour se nourrir. De même, il leur faut se battre pour défendre sa vie. Mais il n’y a pas de fort ni de faible. Personne ne rabaisse ni ne piétine les autres. Nous sommes tous unis dans la vie et nous sommes tous Tes humbles serviteurs. Car Tu es notre créateur […] Nous sommes certes enchaînés à la matière, certes soumis à ses lois, mais notre but est de tendre vers Toi, l’Esprit Éternel et Parfait. Donc, selon moi, le sens que Tu as donné à la vie est l’amour. »
Ce postulat de départ nous mets tous au même rang, celui de créations de Dieu, il nous indique que, malgré ce que nous avons construit au fil du temps, nous sommes tous fait de la même matière, toutes nos âmes ont la même essence divine. Il nous faut donc relativiser nos positions, nos rangs sociaux au sein même de nos sociétés actuelles, que nous soyons simple paysan, duc, notable ou chevalier, nous sommes fait d’une unique matière. Alors, même si nos us et coutumes nous enseignent la politesse et la déférence envers ceux qui ont le pouvoir, ceux-là nous doivent tout autant de respect et de considération. Je sais qu’il est difficile de comprendre cela, que nous avons ainsi construit tout un schéma hiérarchique auquel nous nous sommes enchaînés, mais, il en va de la survie de l’homme en tant qu’espèce ayant conscience de sa condition. Car, oui, c’est cela qui nous différencie des autres espèces, nous sommes conscients d’être les enfants du Très haut, conscient du sens de la vie, à nous de l’appliquer pleinement désormais.
Aristote nous l’a souvent rappelé, au travers des textes et des récits qu’il nous a légué, comme lorsqu’il rencontra l’ermite et qu’il lui demanda s’il était heureux :
- La Vita d'Aristote, Livre I, Chap. XII - L'ermite a écrit:
- « Comment le saurais-tu, toi qui ne connais pas les autres ? Etre un humain, c'est vivre selon la vertu. Et la vertu est une pratique qu'on ne peut exprimer qu'avec les autres. Tu vis bien certes, mais tu ne pratiques aucune vertu puisqu'il n'y a personne avec qui tu puisses la pratiquer. Tu vis comme un ours, indépendant. Mais a-t-on vu un ours faire preuve de vertu ? Tu n'es pas un homme heureux puisque tu n'es même pas un humain. Un humain a des amis, où sont les tiens ? […]Une véritable amitié se fait entre égaux. Tu es donc l'égal d'un olivier : planté et immobile. Tu survis en marge de la Cité au lieu d'y participer comme le fait tout véritable humain. Je vais donc te laisser prendre racine, adieu ! ».
Aristote, au cours de la réception chez Polyphilos avait d’ailleurs évoqué l’amitié en ces termes :
- La Vita d'Aristote, Livre I, Chap. XIII - La réception chez Polyphilos a écrit:
« Tous ces gens ici, sont donc vos amis ? […] Je vois pourtant des gens de toutes extractions sociales et occupant diverses fonctions pour la Cité. […]Mais il ne peut s'agir d'amitié véritable. Un vrai ami est un égal car l'amitié doit être parfaitement réciproque et équitable. Si elle ne l'est pas, ce n'est plus de l'amitié mais de l'intéressement. Un roi ne peut rien attendre d'un mendiant, ce dernier est incapable de l'aider en cas de besoin, or l'entraide est la base de l'amitié. Donc il n'y a pas d'amitié possible entre personnes par trop inégales. […] L'amitié est le plus grand bien de l'homme. Elle noue les liens des communautés. Et les communautés forment à leur tour la Cité. L'amitié permet les relations sociales et l'Humain peut alors prendre part dans les affaires de la Cité. Et comme la vertu cardinale de l'homme est la participation à la cité, l'amitié est une chose essentielle. […] Il faut surtout que l'intéressement ne soit pas trop prononcé dans le chef d'un des prétendus amis. Le juste milieu, celui de la vertu, c'est de savoir s'entourer d'amis véritables, de gens qui peuvent compter sur vous et sur qui vous pouvez compter. » Doit-on penser qu’il n’y a pas d’amitié possible entre personnes de haut rang et bas peuple ? Si l’on prend l’individu singulièrement, à n’en pas douter, cela dépend des circonstances. Un noble perdu dans une forêt lointaine saura être aidé par un simple paysan, certes, mais l’inverse est-il vrai ? Doit-on ainsi penser que ceux qui occupent les charges les plus importantes sont ceux-là mêmes qui corrompent la notion d’amitié ? Il va sans dire que cela est tout aussi inexact. L’amitié ne peut se traiter si simplement et les paroles d’Aristote nous le prouvent, il nous faut éviter d’être affirmatifs sans avoir étudié la question plus avant. Pour ce faire, attachons-nous à comprendre ce qui différencie amitié et alliance.
L’alliance, c’est le rapprochement de deux individus, ou plus, par intérêt, c’est ainsi qu’on peut observer les rapports qui régissent les hommes politiques de nos royaumes. Ceux-là se prétendent souvent amis, mais ne sont qu’alliés. Ils ne connaissent rien de l’autre ou presque si ce n’est l’orientation politique et religieuse, ainsi que les grands principes qu’ils mettent en œuvre dans leurs gouvernements respectifs. Cette notion se retrouve aussi pour le reste du peuple, chacun déclare son voisin ami mais, en réalité, c’est plus en raison d’intérêts communs qu’en raison de vertueuse amitié.
L’Amitié avec un grand A, celle qui par sa vertu nous rapproche du divin, elle, est une notion bien plus complexe à manier et ne fait intervenir à aucun moment enjeux et intérêts. L'amitié est la forme la plus parfaite de l'altruisme : l'individu singulier et unique s'accomplit dans un autre lui-même, et il en résulte une offrande mutuelle qui paraît d'autant plus noble qu'elle ne doit rien à la passion. L’amitié n'a pas un caractère de banalité, caractère qu'elle peut prendre actuellement dans nos cités, elle est le vrai ciment de la cité contre les forces perverses des factions, des enjeux, du pouvoir et des intérêts divergents des uns et des autres. Elle est ainsi une vertu tout autan privée que publique, créant un pont entre l'affectivité individuelle et l'intérêt collectif, pont devant lequel l'éthique doit être toujours subordonnée au politique. Par là, je veux dire que les intérêts politique de gestion de la communauté se doivent d’être établis sur l’autel d’une déontologie de tous les instants, d’une éthique de la politique caractérisant la défense des plus faibles au désavantage de l’enrichissement personnel ou collectif d’une caste en particulier.
Ainsi, en y regardant de plus près, il est toujours possible de créer une réelle amitié, et ce, quelque soit le rang que nous occupons dans la cité, car si nous sortons de la conception purement matérialiste dans laquelle nous vivons, ce que l’amitié apporte aux uns et aux autres est bien plus riche et bien plus profond, il s’agit avant tout d’une aventure humaine, de sentiments, de partage. L’amitié est à la base de la relation humaine, relation qui régit et institue nos rapports sociaux, elle nous garantie la justice lorsqu’elle est pleine car nous empêche d’aller à l’encontre du bon fonctionnement de la cité, de la communauté.
Mais, en ces temps troublés par les guerres, les incertitudes économico-politiques, un sentiment transversal a gagné nos contrées : l’insécurité. Cette insécurité ne nous permet plus d’être dans de bonnes dispositions pour nouer une vraie amitié car le besoin de sécurité nous rend méfiant à l’égard d’autrui. C’est ainsi que, dans nos royaumes, est caractérisée d’un côté une recherche effrénée du profit et de l’autre, des gouvernants intervenant de plus en plus dans la vie des communautés tantôt par la justice, tantôt par des décrets, tantôt par des programmes économiques et politiques basés sur le gain et la paix publique, mais à quel prix ? Dans ce contexte, même si le don subsiste, qu’il soit pécuniaire ou symbolique, l'amitié devient une affaire exclusivement privée. Elle se limite alors sous sa forme la plus pure à deux personnes, ou à un petit groupe de personnes qui se sont choisies les unes les autres. C’est donc un constat qui dépend avant tout du manque de confiance dans nos élites et dans nos institutions. Le sentiment de sécurité servant de base à la confiance à l’autre n’existant quasiment plus, pour vivre tranquillement et pleinement l’amitié, il est d'usage d'imaginer qu'il vaut mieux vaut se retrancher des masses et cacher sa vie, je veux dire par là que la majorité des individus semblent penser qu’il est préférable de cultiver des amitiés éparses mais certaines plutôt que de risquer de perdre ce que l’on a donné. C'est bien là l'un des grands malheurs de nos royaumes qui confinent l'amitié à des cercles restreints et dévalue nos rapports au sein d'une société éclairée. Il est ainsi triste de voir que l'on ne se risque plus à l'incertitude caractérisé par notre état de mortels, et qu'ainsi, on cherche à s'assurer une amitié exclusive et sécurisée.
Or, l’amitié suppose de voir en l’autre un reflet de soi, un artefact de sa propre personnalité, un double qui ressent tout comme soi douleur, souffrance, joie et autres sentiments aussi divers que variés. Nos pairs sont une part de nous-mêmes, ils sont ce que nous sommes et nous sommes ce qu’ils sont. Cela sous tend l’idée d’empathie comme corollaire de l’amitié : la capacité à se mettre à la place de l’autre, à ressentir ce qu’il endure, à prendre sur soi une part de sa souffrance. Cela est-il donné à tout le monde ? Certains aiment à croire que là est l’apanage des religieux, je m’inscris en faux. Certes le religieux apprend à pratiquer l’empathie, mieux, il est censé en être doté de prime abord, ce qui d’ailleurs, n’est pas plus vrai que pour le reste de la populace. L’homme est un être éminemment social, j’exprime par là l’idée qu’il ne peut vivre sans l’autre, c’est ce qu’Aristote nous dévoile lorsqu’il dialogue avec l’ermite. L’homme n’est homme que parce qu’il côtoie les siens et parce qu’il vit au sein d’une société complexe, régie par des lois, des règles, des principes et des valeurs.
Il me reste à aborder la question de la cité qui répondrait à ces valeurs, qui ferait place à tout individu et dans laquelle, chacun pourrait pratiquer l'amitié vertueuse. Aristote en fit un songe qu'il conta à son disciple Sargas :
- La Vita d'Aristote, Livre Ier, Dialogues XI : Le songe a écrit:
- "Une cité idéale, parfaite, où tous vivaient en une fabuleuse harmonie. L’équilibre y était si solide que nul n’aurait pu le rompre, pas même la venue d’un étranger comme je l’étais dans mon imaginaire. J’y ai fait intrusion, y ait importé mes mœurs, que je dirais à présent corrompues, mais j’y ai été accueilli comme un frère. [...]Cette cité est organisée selon le principe de trois cercles concentriques, ou trois classes de citoyens si tu préfères."
Aristote nous y explique que les trois classes se complètent et vivent les unes des autres, le tout, dans une parfaite harmonie, la classe d'airain constituée des producteurs qui produisent pour eux et pour les autres classes et qui connaissent la simplicité de la vie. La classe d'argent constituée des gardiens et des soldats qui se sont mis au service de la défense de la cité au péril de leurs vies, autorisés à vivre dans l'oisiveté en temps de paix, mais risquant la mort lorsque le péril menace, ils sont instruits et philosophent sur la vie de la cité. Enfin, la classe d'Or constituée des "philosophes rois", elle regroupe les sages et anciens gardiens qui se sont distingués par leurs compétences et qualités, ils sont entièrement dévoués à la foi envers le Très Haut ,guident et dirigent la cité dans tous ses aspects. Ainsi, le prophète décrit la cité idéale qui nous permettrait de nous épanouir et de vivre dans l'amitié la plus parfaite. Il ne tient qu'à nous d'en appliquer les paroles et d'autant plus, à nous, religieux de la Sainte Eglise, qui nous sommes dévoués à servir le dessin du Tout Puissant, qui avons prêté serment de diffuser son message par les enseignements des prophètes et qui avons choisi de faire connaître Son Amour à l'ensemble de Ses enfants.
Enfin, parce que j'ai souvent appliqué ses préceptes et prêché en ce sens, je citerais Saint Georges, l'Archange de l'Amitié, qui déclarait avec tant d'à propos :
- Livre des vertus, Livre des Hagiographie, Hagiographie de Saint George Archange de l'amitié a écrit:
- « Quand il n’y a plus d’espoir, il reste toujours l’amitié. […]Que les richesses matérielles soient vôtres, car Dieu, par amour pour Ses enfants, nous en a fait don. Mais n’oublions jamais qu’il n’est pas de plus beau trésor que l’amitié ».
Il n’est pas de meilleure conclusion que ces quelques phrases qui nous exhortent à vivre les uns avec les autres tout en comprenant que nos liens sont ce qui nous est de plus cher. C’est ainsi que doivent se comprendre les préceptes qui font de l’amitié ce qui doit tous nous unir, dans la vertu et pour notre salut.
Décembre 1457, Bender.B.Rodriguez - Code:
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[color=black]Il est une valeur, aujourd’hui, des plus galvaudée : l’amitié. Dans nos royaumes, on la met en exergue, on la brandit tel l’instrument de la foi en Dieu, tel le leitmotiv des duchés et des comtés, mais qu’en est-il réellement ? Sait-on seulement ce qu’implique réellement cette notion ? Est-ce seulement un terme que l’on prononce ou un principe que l’on se doit de respecter ? Après avoir tant et tant prêché, pratiqué l’amitié à chaque moment, prôné l’amour aristotélicien aux fidèles et aux croyants, je crois maintenant qu’il est temps de partager quelques réflexions sur ce sujet.
Tout d’abord, il nous faut revenir à l’origine, la réponse donnée par Oane à La Question du Très Haut :
[quote="Livre des vertus, Livre 1 : Le mythe Aristotélicien, Partie VI - La question"][color=black]« Tu as certes fait Tes créatures se nourrissant les unes des autres. Il leur faut chasser et tuer pour se nourrir. De même, il leur faut se battre pour défendre sa vie. Mais il n’y a pas de fort ni de faible. Personne ne rabaisse ni ne piétine les autres. Nous sommes tous unis dans la vie et nous sommes tous Tes humbles serviteurs. Car Tu es notre créateur […] Nous sommes certes enchaînés à la matière, certes soumis à ses lois, mais notre but est de tendre vers Toi, l’Esprit Éternel et Parfait. Donc, selon moi, le sens que Tu as donné à la vie est l’amour. »[/color][/quote]
Ce postulat de départ nous mets tous au même rang, celui de créations de Dieu, il nous indique que, malgré ce que nous avons construit au fil du temps, nous sommes tous fait de la même matière, toutes nos âmes ont la même essence divine. Il nous faut donc relativiser nos positions, nos rangs sociaux au sein même de nos sociétés actuelles, que nous soyons simple paysan, duc, notable ou chevalier, nous sommes fait d’une unique matière. Alors, même si nos us et coutumes nous enseignent la politesse et la déférence envers ceux qui ont le pouvoir, ceux-là nous doivent tout autant de respect et de considération. Je sais qu’il est difficile de comprendre cela, que nous avons ainsi construit tout un schéma hiérarchique auquel nous nous sommes enchaînés, mais, il en va de la survie de l’homme en tant qu’espèce ayant conscience de sa condition. Car, oui, c’est cela qui nous différencie des autres espèces, nous sommes conscients d’être les enfants du Très haut, conscient du sens de la vie, à nous de l’appliquer pleinement désormais.
Aristote nous l’a souvent rappelé, au travers des textes et des récits qu’il nous a légué, comme lorsqu’il rencontra l’ermite et qu’il lui demanda s’il était heureux :
[quote="La Vita d'Aristote, Livre I, Chap. XII - L'ermite"][color=black]« Comment le saurais-tu, toi qui ne connais pas les autres ? Etre un humain, c'est vivre selon la vertu. Et la vertu est une pratique qu'on ne peut exprimer qu'avec les autres. Tu vis bien certes, mais tu ne pratiques aucune vertu puisqu'il n'y a personne avec qui tu puisses la pratiquer. Tu vis comme un ours, indépendant. Mais a-t-on vu un ours faire preuve de vertu ? Tu n'es pas un homme heureux puisque tu n'es même pas un humain. Un humain a des amis, où sont les tiens ? […]Une véritable amitié se fait entre égaux. Tu es donc l'égal d'un olivier : planté et immobile. Tu survis en marge de la Cité au lieu d'y participer comme le fait tout véritable humain. Je vais donc te laisser prendre racine, adieu ! ».[/color][/quote]
Aristote, au cours de la réception chez Polyphilos avait d’ailleurs évoqué l’amitié en ces termes :
[quote="La Vita d'Aristote, Livre I, Chap. XIII - La réception chez Polyphilos"][color=black] « Tous ces gens ici, sont donc vos amis ? […] Je vois pourtant des gens de toutes extractions sociales et occupant diverses fonctions pour la Cité. […]Mais il ne peut s'agir d'amitié véritable. Un vrai ami est un égal car l'amitié doit être parfaitement réciproque et équitable. Si elle ne l'est pas, ce n'est plus de l'amitié mais de l'intéressement. Un roi ne peut rien attendre d'un mendiant, ce dernier est incapable de l'aider en cas de besoin, or l'entraide est la base de l'amitié. Donc il n'y a pas d'amitié possible entre personnes par trop inégales. […] L'amitié est le plus grand bien de l'homme. Elle noue les liens des communautés. Et les communautés forment à leur tour la Cité. L'amitié permet les relations sociales et l'Humain peut alors prendre part dans les affaires de la Cité. Et comme la vertu cardinale de l'homme est la participation à la cité, l'amitié est une chose essentielle. […] Il faut surtout que l'intéressement ne soit pas trop prononcé dans le chef d'un des prétendus amis. Le juste milieu, celui de la vertu, c'est de savoir s'entourer d'amis véritables, de gens qui peuvent compter sur vous et sur qui vous pouvez compter. »[/color][/quote]
Doit-on penser qu’il n’y a pas d’amitié possible entre personnes de haut rang et bas peuple ? Si l’on prend l’individu singulièrement, à n’en pas douter, cela dépend des circonstances. Un noble perdu dans une forêt lointaine saura être aidé par un simple paysan, certes, mais l’inverse est-il vrai ? Doit-on ainsi penser que ceux qui occupent les charges les plus importantes sont ceux-là mêmes qui corrompent la notion d’amitié ? Il va sans dire que cela est tout aussi inexact. L’amitié ne peut se traiter si simplement et les paroles d’Aristote nous le prouvent, il nous faut éviter d’être affirmatifs sans avoir étudié la question plus avant. Pour ce faire, attachons-nous à comprendre ce qui différencie amitié et alliance.
L’alliance, c’est le rapprochement de deux individus, ou plus, par intérêt, c’est ainsi qu’on peut observer les rapports qui régissent les hommes politiques de nos royaumes. Ceux-là se prétendent souvent amis, mais ne sont qu’alliés. Ils ne connaissent rien de l’autre ou presque si ce n’est l’orientation politique et religieuse, ainsi que les grands principes qu’ils mettent en œuvre dans leurs gouvernements respectifs. Cette notion se retrouve aussi pour le reste du peuple, chacun déclare son voisin ami mais, en réalité, c’est plus en raison d’intérêts communs qu’en raison de vertueuse amitié.
L’Amitié avec un grand A, celle qui par sa vertu nous rapproche du divin, elle, est une notion bien plus complexe à manier et ne fait intervenir à aucun moment enjeux et intérêts. L'amitié est la forme la plus parfaite de l'altruisme : l'individu singulier et unique s'accomplit dans un autre lui-même, et il en résulte une offrande mutuelle qui paraît d'autant plus noble qu'elle ne doit rien à la passion. L’amitié n'a pas un caractère de banalité, caractère qu'elle peut prendre actuellement dans nos cités, elle est le vrai ciment de la cité contre les forces perverses des factions, des enjeux, du pouvoir et des intérêts divergents des uns et des autres. Elle est ainsi une vertu tout autan privée que publique, créant un pont entre l'affectivité individuelle et l'intérêt collectif, pont devant lequel l'éthique doit être toujours subordonnée au politique. Par là, je veux dire que les intérêts politique de gestion de la communauté se doivent d’être établis sur l’autel d’une déontologie de tous les instants, d’une éthique de la politique caractérisant la défense des plus faibles au désavantage de l’enrichissement personnel ou collectif d’une caste en particulier.
Ainsi, en y regardant de plus près, il est toujours possible de créer une réelle amitié, et ce, quelque soit le rang que nous occupons dans la cité, car si nous sortons de la conception purement matérialiste dans laquelle nous vivons, ce que l’amitié apporte aux uns et aux autres est bien plus riche et bien plus profond, il s’agit avant tout d’une aventure humaine, de sentiments, de partage. L’amitié est à la base de la relation humaine, relation qui régit et institue nos rapports sociaux, elle nous garantie la justice lorsqu’elle est pleine car nous empêche d’aller à l’encontre du bon fonctionnement de la cité, de la communauté.
Mais, en ces temps troublés par les guerres, les incertitudes économico-politiques, un sentiment transversal a gagné nos contrées : l’insécurité. Cette insécurité ne nous permet plus d’être dans de bonnes dispositions pour nouer une vraie amitié car le besoin de sécurité nous rend méfiant à l’égard d’autrui. C’est ainsi que, dans nos royaumes, est caractérisée d’un côté une recherche effrénée du profit et de l’autre, des gouvernants intervenant de plus en plus dans la vie des communautés tantôt par la justice, tantôt par des décrets, tantôt par des programmes économiques et politiques basés sur le gain et la paix publique, mais à quel prix ? Dans ce contexte, même si le don subsiste, qu’il soit pécuniaire ou symbolique, l'amitié devient une affaire exclusivement privée. Elle se limite alors sous sa forme la plus pure à deux personnes, ou à un petit groupe de personnes qui se sont choisies les unes les autres. C’est donc un constat qui dépend avant tout du manque de confiance dans nos élites et dans nos institutions. Le sentiment de sécurité servant de base à la confiance à l’autre n’existant quasiment plus, pour vivre tranquillement et pleinement l’amitié, il est d'usage d'imaginer qu'il vaut mieux vaut se retrancher des masses et cacher sa vie, je veux dire par là que la majorité des individus semblent penser qu’il est préférable de cultiver des amitiés éparses mais certaines plutôt que de risquer de perdre ce que l’on a donné. C'est bien là l'un des grands malheurs de nos royaumes qui confinent l'amitié à des cercles restreints et dévalue nos rapports au sein d'une société éclairée. Il est ainsi triste de voir que l'on ne se risque plus à l'incertitude caractérisé par notre état de mortels, et qu'ainsi, on cherche à s'assurer une amitié exclusive et sécurisée.
Or, l’amitié suppose de voir en l’autre un reflet de soi, un artefact de sa propre personnalité, un double qui ressent tout comme soi douleur, souffrance, joie et autres sentiments aussi divers que variés. Nos pairs sont une part de nous-mêmes, ils sont ce que nous sommes et nous sommes ce qu’ils sont. Cela sous tend l’idée d’empathie comme corollaire de l’amitié : la capacité à se mettre à la place de l’autre, à ressentir ce qu’il endure, à prendre sur soi une part de sa souffrance. Cela est-il donné à tout le monde ? Certains aiment à croire que là est l’apanage des religieux, je m’inscris en faux. Certes le religieux apprend à pratiquer l’empathie, mieux, il est censé en être doté de prime abord, ce qui d’ailleurs, n’est pas plus vrai que pour le reste de la populace. L’homme est un être éminemment social, j’exprime par là l’idée qu’il ne peut vivre sans l’autre, c’est ce qu’Aristote nous dévoile lorsqu’il dialogue avec l’ermite. L’homme n’est homme que parce qu’il côtoie les siens et parce qu’il vit au sein d’une société complexe, régie par des lois, des règles, des principes et des valeurs.
Il me reste à aborder la question de la cité qui répondrait à ces valeurs, qui ferait place à tout individu et dans laquelle, chacun pourrait pratiquer l'amitié vertueuse. Aristote en fit un songe qu'il conta à son disciple Sargas :
[quote="La Vita d'Aristote, Livre Ier, Dialogues XI : Le songe"][color=black]"Une cité idéale, parfaite, où tous vivaient en une fabuleuse harmonie. L’équilibre y était si solide que nul n’aurait pu le rompre, pas même la venue d’un étranger comme je l’étais dans mon imaginaire. J’y ai fait intrusion, y ait importé mes mœurs, que je dirais à présent corrompues, mais j’y ai été accueilli comme un frère. [...]Cette cité est organisée selon le principe de trois cercles concentriques, ou trois classes de citoyens si tu préfères."[/color][/quote]
Aristote nous y explique que les trois classes se complètent et vivent les unes des autres, le tout, dans une parfaite harmonie, la classe d'airain constituée des producteurs qui produisent pour eux et pour les autres classes et qui connaissent la simplicité de la vie. La classe d'argent constituée des gardiens et des soldats qui se sont mis au service de la défense de la cité au péril de leurs vies, autorisés à vivre dans l'oisiveté en temps de paix, mais risquant la mort lorsque le péril menace, ils sont instruits et philosophent sur la vie de la cité. Enfin, la classe d'Or constituée des "philosophes rois", elle regroupe les sages et anciens gardiens qui se sont distingués par leurs compétences et qualités, ils sont entièrement dévoués à la foi envers le Très Haut ,guident et dirigent la cité dans tous ses aspects. Ainsi, le prophète décrit la cité idéale qui nous permettrait de nous épanouir et de vivre dans l'amitié la plus parfaite. Il ne tient qu'à nous d'en appliquer les paroles et d'autant plus, à nous, religieux de la Sainte Eglise, qui nous sommes dévoués à servir le dessin du Tout Puissant, qui avons prêté serment de diffuser son message par les enseignements des prophètes et qui avons choisi de faire connaître Son Amour à l'ensemble de Ses enfants.
Enfin, parce que j'ai souvent appliqué ses préceptes et prêché en ce sens, je citerais Saint Georges, l'Archange de l'Amitié, qui déclarait avec tant d'à propos :
[quote="Livre des vertus, Livre des Hagiographie, Hagiographie de Saint George Archange de l'amitié"][color=black]« Quand il n’y a plus d’espoir, il reste toujours l’amitié. […]Que les richesses matérielles soient vôtres, car Dieu, par amour pour Ses enfants, nous en a fait don. Mais n’oublions jamais qu’il n’est pas de plus beau trésor que l’amitié ».[/color][/quote]
Il n’est pas de meilleure conclusion que ces quelques phrases qui nous exhortent à vivre les uns avec les autres tout en comprenant que nos liens sont ce qui nous est de plus cher. C’est ainsi que doivent se comprendre les préceptes qui font de l’amitié ce qui doit tous nous unir, dans la vertu et pour notre salut.
[i]Décembre 1457, Bender.B.Rodriguez[/i][/color][/quote] | |
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